Je souhaite partager avec vous une fraude vécue par Joël qui est photographe freelance.
La fraude a heureusement été déjouée grâce à la vigilance de sa banque. Car l’histoire aurait pu mal tourner pour son activité avec une éventuelle cessation de paiements de sa société…
Une demande de prestation ordinaire
Un jour comme les autres, Joël reçoit une demande de devis pour couvrir un événement dans un mois et demi dans sa région de la part d’une société évenementielle située en Allemagne. La personne lui indique qu’après avoir revu son site, elle souhaite un devis.
Le devis d’un montant de 2800 Euros TTC est envoyé par Joël par email, puis retourné signé par email par le client. Conformément à ses conditions générales, Joël demande un acompte de 30% (840 Euros) payable par virement et envoie un IBAN au client. (Car oui, il faut demander un acompte au client ! – cf. mon article)
Le client lui indique qu’il va lui envoyer. Pas de retour pendant plusieurs jours : le client indique qu’il est en congés.
Un paiement d’acompte bizarre…
Deux semaines plus tard, Joël reçoit un appel de sa banque : la banque a directement reçu un chèque de 14.110 Euros tiré sur la Société Générale sur le compte d’une société française située à Narbonne (qui vend d’ailleurs des accessoires automobiles). Le chèque est accompagné d’un papier indiquant les coordonnées bancaires de la société de Joël. Et la lettre contenant le chèque a le cachet « Royal mail » : il a donc été envoyé depuis le Royaume-Uni.
La conseillère l’alerte sur ce chèque : c’est une fraude…
Sans la vigilance de l’agence bancaire, le chèque de 14.000 Euros aurait été encaissé sur le compte de la société de Joël.
Joël décide de ne pas alerter ce client un peu spécial : il lui indique que la banque l’a appelé pour ce chèque. Il propose au client de lui renvoyer le chèque car il n’accepte que les virements et que le chèque n’est pas du montant correct.
Un client pressé
Tout en indiquant à Joël qu’il compte sur lui pour la couverture de l’événement, le client insiste pour que Joël encaisse le chèque. Le client explique que c’est un sponsor prestigieux du monde de l’assurance qui a émis le chèque et que le client ne peut pas émettre d’autre paiement pour l’acompte.
Il demande à Joël d’encaisser le chèque et de « rembourser » le trop-versé en déduisant toute la prestation (et non plus l’acompte), jouant sur le fait qu’il fait confiance à Joël pour la réalisation et la qualité de la prestation photo.
Joël fait semblant d’accepter d’encaisser le chèque.
Le client est pressé : il lui demande de l’informer dès que l’argent est crédité sur son compte. Les réponses du client aux mails de Joël sont dans l’heure à ce moment des échanges…
Le client reste très courtois : il remercie Joël pour sa gentillesse, sa patience… et sa réactivité.
Quand Joël annonce que l’argent est crédité sur son compte, le client lui envoie un IBAN pour le virement du « trop-perçu ». Le compte est situé… en Italie… sur le compte d’une société qui n’apparaît dans aucun email du client.
Le client lui demande de faire attention à sa limite de virement et l’invite à faire un virement aujourd’hui et un autre demain. Quel client attentionné…
Sur les conseils de sa banque, Joël a porté plainte et a présenté toutes les pièces lors du dépôt de plainte.
La fraude au chèque
Le chèque – qui n’a pas été encaissé – est très probablement faux. Or lorsque l’on envoie un chèque à sa banque, même si elle le crédite sur votre compte à réception, vous êtes sûr d’être vraiment crédité/ d’avoir vraiment l’argent qu’après un délai d’environ 2 semaines. En effet, c’est le temps nécessaire à la banque émettant le chèque d’informer votre banque si le chèque est faux ou sans provision.
Dans les conditions générales de votre banque – professionnelle ou à titre perso -, les banques précisent qu’elles appliquent sur les remises de chèque un délai dit « de sauf bonne fin ». Pour ma banque, il est de 9 jours ouvrés. Il s’agit du délai nécessaire à la vérification de la conformité du chèque et de la solvabilité de l’émetteur. Pendant cette durée de 9 jours ouvrés, les fonds sont sur le compte mais ne sont pas disponibles.
Si Joël avait viré l’argent – la modique somme de 11.700 Euros – au client, la banque l’aurait informé 15 jours après que le chèque était faux et Joël aurait un trou de trésorerie de 11.700 Euros.
Le temps que Joël dépose plainte, que la police française informe la police italienne, le fraudeur a le temps de retirer l’argent ou de le transférer entre 3-4 comptes au sein de l’Union Européenne et en dehors de l’Union Européenne…
Et Joël a alors soit la trésorerie suffisante, soit demande à sa banque un prêt, soit liquide sa société… S’il est auto-entrepreneur, il a une dette personnelle…
Pourquoi la fraude au chèque aurait pu fonctionner
Joël ne connaissait pas ce délai de sécurité sur les remises de chèque : il pensait que si le chèque était crédité, c’est que l ‘argent était sur son compte, sans risque.
Si la banque n’avait pas été vigilante, Joël n’aurait pas eu le chèque entre les mains car le faux chèque a été directement envoyé à sa banque. Joël aurait pu croire à une erreur du client (ou du sponsor du client) et n’aurait pas su que le chèque était au nom d’une autre société française. Le mensonge du faux client était crédible … tant que Joël n’a pas eu le scan du faux chèque…
Pensant à sa prestation photo, Joël aurait apprécié la confiance du client qui ne lui demandait de garder non plus l’acompte, mais le total de la prestation photo.
Certes, le faux client avait une adresse gmail (mais d’autres clients professionnels en ont).
Certes, le faux client ne communiquait qu’en anglais et cela même qu’en Joël écrivait quelques mots en allemand.
Certes, Joël aurait pu tiquer sur le compte en Italie : mais le faux client aurait pu inventer une histoire de filiale italienne organisant l’événement…
Quand la banque a appelé Joël, ce dernier n’a pas tout de suite fait le lien entre le faux chèque et la prestation de la société allemande… Car Joël était convaincu qu’il avait affaire à un vrai client, à une vraie prestation photo qu’il avait d’ailleurs notée dans son agenda professionnel…
Quand vous lisez cet article, vous vous dîtes peut-être que cela ne vous arrivera jamais car vous êtes trop malins. Restez modestes : les fraudeurs utilisent les ressorts psychologiques humains pour parvenir à leurs fins et de très grandes sociétés se font régulièrement rouler.
Sauf que les grandes sociétés ne mettent pas la clé sous la porte, contrairement aux freelances…
Si vous avez un site internet marchand ou si vous êtes régulièrement payé par chèque, cet article vous donne des pistes pour limiter les risques de fraude au chèque.